Rôle de la pollution atmosphérique sur l’eczéma
Y a t-il un lien entre plaques d’eczéma et pollution ? Le Pr Delphine Staumont, nous aide à faire le point.
Des facteurs environnementaux divers et variés peuvent exercer une influence délétère sur la dermatite atopique, en favorisant les poussées ou la pérennisation de l’inflammation cutanée, voire en contribuant à son développement chez des individus prédisposés.
Les facteurs environnementaux classiques sont les facteurs mécaniques irritants (vêtements en laine ou en fibres acryliques…), les agents physiques (« dureté » de l’eau, solvants, détergents …) ou biologiques (allergènes et microbes comme le Staphylocoque doré).
Qu’en est-il du rôle de la pollution atmosphérique sur la dermatite atopique?
La pollution atmosphérique liée à l’urbanisation est un facteur de risque avéré pour l’asthme, mais il y a moins de preuves en ce qui concerne la dermatite atopique (DA).
Des études épidémiologiques ont montré que la prévalence de la DA était plus importante dans les milieux urbanisés qu’en zone rurale ou semi-rurale. Une étude réalisée en Pologne a montré de manière intéressante une augmentation de la prévalence de la DA en parallèle à l’exode rural entre 2003 et 2012 (Sosanska et al, J Allergy Clin Immunol 2014). Même si d’autres facteurs peuvent aussi être impliqués (stress, facteurs culturels, etc …), il est logique de poser la question du rôle de la pollution atmosphérique présente en ville dans cette prévalence accrue de la DA. La pollution atmosphérique fait le plus souvent référence aux polluants présents dans l’environnement extérieur. Cette pollution est principalement liée aux activités humaines et donc à l’urbanisation et à l’industrialisation (trafic, combustion de la biomasse, centrales électriques …). Il s’agit essentiellement de gaz issus de la combustion (dioxyde de sulfure SO2, monoxyde de carbone CO et dioxyde d’azote NO2) et de particules fines comme celles émises par les véhicules diesel. Il ne faut cependant pas négliger la présence de polluants domestiques présents à l’intérieur des habitations, principalement la fumée de tabac (tabagisme actif et passif) et les polluants libérés par les chauffages (poêles à combustion) et par les matériaux de construction et de revêtements des sols et des murs, en particulier les composés organiques volatils comme les formaldéhydes et les phtalates (PVC, polychlorure de vinyle).
Est-ce que la pollution atmosphérique peut aggraver un eczéma ou une DA déjà présente, en favorisant des poussées ou une pérennisation de l’inflammation cutanée ?
De nombreuses études réalisés sur des modèles animaux de DA chez la souris et le rat plaident en faveur du rôle aggravant des polluants sur l’inflammation cutanée. Plusieurs études épidémiologiques menées chez des enfants, adolescents et adultes atteints d’eczéma ont clairement démontré que la DA pouvait être aggravée lors de l’exposition aux divers polluants atmosphériques présents à l’extérieur et à l’intérieur des habitations. Des études prospectives, principalement menées en Corée du Sud, ont montré que la DA était plus sévère chez les enfants exposés de manière importante aux polluants extérieurs. Il a en particulier été démontré que l’exposition aux particules fines de diesel pouvait augmenter le prurit et aggraver la DA chez ces enfants (Hidaka T et al, Nat Immunol 2017). Ceci est vrai également chez l’adulte. Une étude menée chez des femmes de plus de 50 ans résidant dans la Ruhr, une région particulièrement industrialisée d’Allemagne, a montré que celles-ci avaient un risque élevé de développer un eczéma touchant les zones découvertes exposées, même en l’absence d’antécédent atopique (Vierkötter A et al, J Invest Dermatol 2015). Le taux et la nature des polluants atmosphériques varient en fonction de la période de l’année et du climat, ce qui pourrait contribuer aux poussées saisonnières de DA observées chez certains individus. C’est par exemple le cas des gaz polluants, tels que le dioxyde d’azote NO2 et le monoxyde de carbone CO, qui connaissent un pic de concentration en période hivernale.
En ce qui concerne la pollution domestique, l’exposition à certains polluants peut aggraver une DA déjà existante. Des études, dont plusieurs menées en Corée du Sud, ont en effet mis en évidence un lien entre l’exposition à des composés organiques volatils, comme les formaldéhydes et le PVC contenus dans les matériaux de revêtements des murs et des sols (peintures, papier peints), et une DA plus sévère chez les enfants (Kim J et al, Int J Environ Res Public Health 2016).
Il faut toutefois garder à l’esprit que le principal facteur aggravant reste le tabagisme actif et passif. L’association tabac et asthme est formelle et les mesures législatives interdisant de fumer dans les lieux publics a permis de diminuer significativement le nombre d’hospitalisations pour exacerbation d’un asthme. Même si l’effet délétère du tabac a été moins étudié dans la DA, et que les études fournissent parfois des résultats contradictoires, il est légitime de retenir qu’il existe une corrélation entre l’exposition à la fumée de cigarettes et de cigares et la sévérité de la DA (Andersen YM et al, JACI 2016). Une vaste revue de la littérature portant sur 86 études et sur un total de 680 176 patients (dont 598 296 enfants) issus de 39 pays différents a montré que l’association DA et tabagisme actif et passif était vérifiée chez l’adolescent et l’adulte quelle que soit l’origine géographique (Kantor R et al, JAAD 2016).
Découvrez notre rencontre avec le Pr Staumont, lors de la dernière Journée Nationale de l’Eczéma