Eczéma et vie quotidienne, ce que l’on n’imagine pas !
Eczéma et vie quotidienne, les faces cachées ! Lors de la Journée Nationale de l’Eczéma, nous avions questionné Marjolaine Hering, membre de l’Association Française de l’Eczéma depuis des années, sur « Qu’est ce que l’on imagine pas derrière le vivre avec l’eczéma ? »
Retour sur les faces cachées de la vie avec de l’eczéma sur la vie quotidienne des malades en quelques questions – réponses.
Marjolaine, lorsque l’on n’est pas concerné par l’eczéma, il y a de nombreuses choses que l’on ne peut pas imaginer derrière le « vivre avec l’eczéma ». Peux tu nous en parler ?
L’eczéma est une maladie qui concerne beaucoup de monde, avec des degrés de sévérité variables, mais qui reste finalement méconnue des personnes qui n’en souffrent pas. Elle est souvent réduite à une maladie de peau qui fait apparaître des plaques rouges qui grattent et qui se traite avec de la crème.
Voici pour illustrer ça un petit micro-trottoir édifiant tourné il y a quelque temps par l’AFE en format vidéo.
L’eczéma est une maladie beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît, d’abord parce que c’est une maladie chronique avec laquelle il va falloir composer toute sa vie, et garder une vigilance constante même lorsque les symptômes s’améliorent ou disparaissent. Et ensuite parce qu’elle s’exprime par crises avec de très nombreux facteurs déclenchant ou aggravants qui peuvent varier au cours de la vie.
Vivre avec un eczéma peut donc s’avérer un parcours semé d’embuches !
Justement, quels sont les impacts de l’eczéma sur la vie quotidienne ?
Tous les aspects de la vie personnelle et professionnelle peuvent être impactés : selon l’étude Objectif Peau qu’on a déjà évoquée plus tôt ce matin, près d’1 patient sur 2 déclare que l’eczéma est gênant ou très gênant dans leur vie personnelle et professionnelle. De nombreux patients vont même jusqu’à considérer que leur vision globale de la vie a été influencée par l’eczéma. Atteints le plus souvent depuis l’enfance, ils se sont construits avec l’eczéma et nombreux sont ceux qui se demandent s’ils auraient été les mêmes personnes sans la DA. Selon une étude menée par l’EFA, un patient sévère sur 4 estime qu’il a eu moins d’options et d’opportunités dans sa vie qu’une autre personne.
On voit donc que cette maladie est loin d’être une simple atteinte superficielle sans conséquences ! Mais quel est le symptôme le plus gênant dans la vie quotidienne ?
Les démangeaisons !
Le prurit est le symptôme le plus impactant sur la vie quotidienne : des démangeaisons qui peuvent être quasi permanentes, qui peuvent « rendre fous » selon certains témoignages (57% des patients sévères disent que « ça les rend fous » selon étude EFA)
Quels sont les impacts du prurit sur la vie quotidienne ?
Il énerve et culpabilise le patient, qui sait que le grattage va aggraver ses lésions mais ne peut pas s’empêcher de gratter
- Il énerve et culpabilise l’entourage du patient
- Il entraîne des problèmes de concentration, notamment au travail ou à l’école
- Il empêche de dormir. Et on sait qu’avoir un sommeil perturbé de façon chronique a un impact sur la santé en général, sur le stress, sur l’humeur et sur la concentration.
Les démangeaisons entraînent donc un cercle vicieux dont il est très difficile de se sortir.
Et si on revenait à la problématique de l’eczéma dans la vie quotidienne en abordant la vie professionnelle ? On vient de voir que les démangeaisons pouvaient avoir un fort impact sur la concentration au travail, mais est-ce le seul problème auquel les patients doivent faire face au travail?
Non c’est loin d’être le seul problème !
- ils peuvent être confrontés à de la discrimination à l’embauche du fait de l’aspect de leur peau,
- ou à des opportunités de carrière limitées (du fait de l’aspect de leur peau, ou à cause des arrêts de travail fréquents liés aux crises, qui peuvent nécessiter jusqu’à une hospitalisation dans les cas sévères)
- ils peuvent aussi être amenés à devoir se reconvertir s’ils développent des allergies liées à leur travail (les coiffeurs par exemple)
On comprend maintenant un peu mieux pourquoi certains patients jugent leurs opportunités limitées par l’eczéma et se demandent ce qu’aurait été leur vie sans eczéma !
Une autre chose qu’il est difficile de comprendre lorsqu’on n’est pas atteint par l’eczéma, c’est qu’il n’est pas si facile que ça de s’en débarrasser !
Oui ! Combien de fois un patient entend il son entourage lui demander s’il se traite bien, ou s’il a mis sa crème, et ne pas comprendre pourquoi son eczéma « est toujours là » ? En réalité l’eczéma nécessite des traitements complexes et chronophages, et pas toujours efficaces (chez près d’un patient sévère sur deux la réponse au traitement n’est pas satisfaisante et les symptômes ne sont pas ou pas assez soulagés, selon étude EFA). Il est difficile d’appliquer la bonne quantité de dermocorticoïde assez longtemps sur ses plaques, surtout quand l’eczéma est généralisé sur le corps. Les patients peuvent se sentir submergés et ne pas arriver à contrôler leur eczéma. Sans compter qu’avec la chronicité, une lassitude s’installe, certains patients peuvent finir par se demander à quoi bon se traiter puisque les crises reviennent ? Ils peuvent également se sentir perdus face à des discours parfois discordants au sujet des dermocorticoïdes notamment (on parle alors de corticophobie).
Il y a un autre aspect de la maladie qui est difficile à comprendre quand on n’a pas d’eczéma au quotidien et qui peut créer des malentendus avec l’entourage, peux tu nous en dire plus ?
Oui, c’est la nécessité pour les patients de contrôler au mieux leur environnement pour éviter les crises ou les aggravations de leur état, du fait notamment des nombreuses allergies souvent associées à la DA. Cela impacte de nombreux domaines de la vie quotidienne :
- les vêtements : le patient doit trouver des vêtements qui ne provoquent ni allergie ni irritation, certaines matières sont proscrites. Et parfois le choix des vêtements se fait aussi selon les zones de peau que l’on souhaite cacher (selon étude EFA la moitié des patients sévères cherchent à cacher leur eczéma) !
- l’habitat : le choix des matériaux de construction ou de rénovation (peintures, moquettes, etc), le choix des produits ménagers peut être un véritable casse-tête
- l’alimentation : certains patients ont également de nombreuses allergies alimentaires
- le sport : la pratique du sport peut être un casse-tête aussi : équipements, eau de la piscine, transpiration, frottements sont autant de facteurs de crises possibles
- les vacances : être vigilant sur les locations de vacances (literie, moquette au sol, humidité, etc), sur le climat du lieu de vacances (trop chaud ou trop froid, dans les deux cas il s’agit de facteurs de crises !), sur les activités… s’assurer des vacances sereines n’est pas de tout repos pour les personnes atteintes d’eczéma !
Tout ceci génère du stress pas toujours compris par l’entourage qui peut parfois s’agacer ou se moquer devant tant de précautions !
Et du côté de la vie privée : est ce que l’eczéma a un impact sur les relations sociales ?
Oui, l’eczéma est une maladie affichante et stigmatisante qui génère un sentiment d’exclusion et de honte chez de nombreux patients. Il n’est pas rare pour un patient d’être confronté dans sa vie sociale à la peur de la contagion, à des remarques désobligeantes sur son aspect physique, ou à des questions ou des conseils gênants sur son hygiène et son mode de vie. Et les personnes qui connaissent le moins la maladie sont en général celles qui dispensent le plus de conseils ! Tous ces désagréments agissent comme des micro-traumatismes répétés qui peuvent atteindre certaines personnes dans leur intimité et leur estime de soi. Cela peut pousser certains patients à l’évitement des interactions sociales, à l’isolement, ce qui ne fait que renforcer le mal-être et le stress dans lequel ils peuvent se trouver.
Et puisque nous parlons d’intimité, qu’en est-il justement des relations intimes et de la vie amoureuse ?
Selon ECLA l’eczéma a un impact négatif sur la libido pour 3 patients sur 4 et pour 1 conjoint sur 2. Difficile de se sentir séduisant et de désirer être touché quand la peau démange et est irritée, avec parfois des atteintes génitales. Et difficile de supporter le regard de l’autre sur son corps. Si la peur du rejet est un facteur limitant dans les relations sociales, elle l’est encore plus dans les relations intimes !
Quelles sont les conséquences de ces difficultés professionnelles et personnelles sur l’humeur des patients ?
Un grand nombre de patients présentent des symptômes dépressifs et anxieux. Selon Ecla 38% des cas sévères et 25% des cas modérés se disent déprimés en permanence. Et ces états sont souvent incompris des personnes qui ne connaissent pas la maladie. L’eczéma n’est pas considéré comme une maladie grave, dans le sens où elle n’engage pas le pronostic vital, donc ces impacts psychologiques sont difficiles à comprendre par l’entourage, ce qui renforce encore un peu le sentiment d’être isolés et incompris.
Voilà un petit résumé de ce que c’est que vivre avec l’eczéma ! Nous espérons que grâce à cette journée vous soyez de plus en plus nombreux à connaître un peu mieux cette maladie et puissiez alors comprendre et soutenir un ami, un conjoint, un enfant ou un collègue qui souffre d’eczéma !
Un dernier point avant de finir : est ce qu’il existe des solutions pour réduire l’impact de l’eczéma sur la vie quotidienne ?
Oui bien sûr ! et l’AFE peut vous accompagner en vous donnant des solutions !
- s’informer et se former pour connaître la maladie et la traiter au mieux
- s’informer et se former pour trouver astuces pour la vie de tous les jours : pour continuer le sport, pour se maquiller, pour organiser son habitat, etc…
- ne pas s’isoler :. Continuez à voir vos amis, à faire des activités, à adhérer à des associations culturelles ou sportives par exemple ! en se rapprochant de l’AFE par exemple vous pourrez discuter avec d’autres patients, échanger des points de vue et des informations
- communiquer sur la maladie auprès de son entourage : pour ça aussi l’AFE peut vous aider en vous donnant des outils de communication (magazines, fiches pratiques…)
- consulter régulièrement son dermatologue pour être bien suivi et conseillé
- se faire aider par soutien psychologique
- agir sur le stress : yoga, méditation, sophrologie
- travailler sa confiance en soi, son estime de soi (psychothérapie, coaching, ateliers théâtre, danse…)