Les traitements par voie orale
8 questions posées au Dr Stéphanie Mallet (Dermatologue) et Florence L. (Pharmacienne) du Chu de Marseille sur le traitement par voie orale pour soigner l’Eczéma – Décembre 2014
– Peut-on utiliser les antihistaminiques au long cours ?
Les médicaments antihistaminiques sont encore parfois prescrits dans l’eczéma, en traitement d’appoint, afin de diminuer les démangeaisons et d’améliorer la qualité du sommeil (choix de molécules sédatives). L’efficacité n’est pas systématiquement obtenue car le prurit dans l’eczéma ne dépend pas de l’histamine. Quant à la durée de traitement, elle doit rester courte, et correspondre aux périodes de poussée. Ces médicaments ne disposent pas d’indications officielles dans l’eczéma mais constituent plutôt le traitement symptomatique des manifestations allergiques suivantes : rhinite, conjonctivite, urticaire.
– Le traitement par voie orale a-t-il les mêmes bienfaits que de la pommade ?
Les soins locaux constituent le traitement de base de l’eczéma, aux côtés des mesures d’hygiène de vie. Cependant, le médecin doit parfois prescrire des traitements systémiques par voie orale : eczémas sévères, eczémas résistants aux thérapies locales de première et deuxième intention. L’efficacité et la tolérance des traitements oraux sont très variables, et prouvées par un nombre plus ou moins grand d’études scientifiques. Dans tous les cas, le traitement local est conservé et optimisé. Dans le cas des eczémas surinfectés, un traitement oral à base d’antibiotiques ou d’antiviraux peut être temporairement prescrit.
– Quelle est la différence entre Toctino® et Néoral® ?
Ces deux produits sont très différents l’un de l’autre, à de nombreux niveaux : composition, indications, mode d’action, éventuels effets indésirables. Néoral® est un médicament à base de ciclosporine : il s’agit d’un immunosuppresseur utilisé depuis de nombreuses années en Dermatologie pour soigner des dermatoses auto-immunes ou inflammatoires, comme le psoriasis ou l’eczéma atopique. Toctino® contient de l’alitrétinoïne, c’est un rétinoïde qui sert uniquement à soigner les cas sévères d’eczéma chronique des mains. Dans les deux cas, ce sont des traitements dits « suspensifs », prescrits sur plusieurs mois, ils permettent de casser l’inflammation et de passer un cap, mais ils ne soignent pas définitivement l’eczéma.
– Peut-on avoir un effet rebond lors de la prise du traitement à base de ciclosporine ? Faut-il s’inquiéter ?
Lors de la prise de ciclosporine, l’effet positif sur les lésions d’eczéma n’est pas immédiat, mais survient en général au bout de quelques semaines. Chez certains patients, les lésions d’eczéma continuent de « flamber » en début de traitement. Il ne faut pas s’inquiéter et traiter la poussée au moyen de traitements locaux. En revanche, si au bout de quelques mois aucun effet bénéfique n’est obtenu chez un patient, c’est que celui-ci n’est pas répondeur à la ciclosporine, le traitement doit être modifié (même chose si les effets indésirables sont trop importants).
– En quoi consiste ce traitement et à partir de quel âge peut-il être prescrit ?
Les traitements par voie orale dans l’eczéma sont démarrés dès lors que les traitements locaux bien conduits ne permettent plus de soulager le patient, ou plus rapidement si la situation l’exige (surinfections par exemple).
Les antihistaminiques, les antiviraux, les antibiotiques, et parfois même les corticoïdes oraux peuvent être prescrits dès le plus jeune âge en fonction des besoins du patient (respectivement prurit nocturne intense, surinfection virale, surinfection bactérienne, poussée sévère et généralisée d’eczéma).
Les immunosuppresseurs oraux (et en premier lieu la ciclosporine) sont indiqués uniquement chez l’adulte, même si certains grands enfants (dès 6-8ans) fortement touchés et handicapés par leur eczéma peuvent en bénéficier.
– A quoi sert le comprimé pris avant une séance de puvathérapie? Provoque t-il des effets secondaires?
La PUVAthérapie consiste à coupler des rayons ultraviolets UVA à l’administration locale ou orale de psoralènes : ce sont des produits photosensibilisants, leur pouvoir photodynamisant sensibilise la peau à l’action des UVA ; ceci produit chez le patient traité un effet anti-inflammatoire, le même que celui obtenu naturellement l’été en plein soleil. La photothérapie est arrêtée en cas de grossesse à cause d’un manque de données disponibles. Le comprimé en lui-même expose à très peu d’effets secondaires, principalement des maux d’estomacs modérés.
– Quels sont les risques d’une prise à long terme d’un traitement par voie orale ?
Tout dépend de la molécule prescrite. De façon générale, les traitements immunosuppresseurs entrainent deux risques majeurs en baissant les défenses de l’organisme : infectieux à court terme et cancérogène à long terme. Ensuite, la ciclosporine peut conduire à une élévation de la tension artérielle, une atteinte rénale, un gonflement des gencives… Cependant, ces effets étant dose/durée-dépendants, ils restent limités voire inexistants lors du traitement de l’eczéma, d’autant que la surveillance avant-pendant-après le traitement est rigoureuse et régulière, à la fois biologique et clinique.
– Quels sont les risques soleil et ciclosporine ?
Même si les doses utilisées en Dermatologie sont très faibles, et si la durée de traitement limitée (souvent moins d‘un an) la ciclosporine reste un immunosuppresseur qui baisse les défenses de l’organisme. Il faut donc être prudent vis à vis du soleil, notamment si le patient a déjà effectué des séances de photothérapie. Cependant, l’eczéma (et notamment l’eczéma atopique) est souvent nettement amélioré par le soleil et la saison estivale. L’attitude à adopter serait donc de se protéger efficacement du soleil mais de ne pas s’empêcher de profiter des activités en plein air en été sous prétexte qu’on est sous ciclosporine. De plus, la peau des patients devra être régulièrement examinée (auto-examen et consultation dermatologique).